#26596 par Wang Tianjun
27 oct. 2011, 19:27
Allez hop, ça aura mis le temps mais voilà ma chronique.

Je suis un brin moins enthousiaste que Dru, quand même ^^"


Histoires courtes de Naoki Urasawa

Naoki Urasawa aime se faire désirer. Le célèbre auteur a qui l’on doit de grands succès comme Monster, 20th Century Boys ou Pluto a longtemps été réticent quant à la publication de ses œuvres plus anciennes, ressentant une certaine honte à voir des travaux qu’il juge imparfait ressortir des archives. Pourtant, la donne a été changée avec l’arrivée d’Happy ! en 2010, et voilà qu’aujourd’hui sort sous nos latitudes le recueil des histoires les plus vieilles, les plus maladroites, les moins abouties qu’Urasawa a produit. Quel changement de cap !

Histoires courtes de Naoki Urasawa est une compilation, sortie au Japon il y a plus de dix ans, qui regroupe les travaux de l’auteur à ses débuts, tout au long des années 80, en s’ouvrant par Beta (renommé Trop classique !), nouvelle d’à peine huit pages qui l’ont révélé au monde professionnel en 1983. Vingt histoires ponctuent cet imposant ouvrage, en un seul chapitre pour la plupart, hormis trois exceptions. La saga du Dancing Policeman nous narre les mésaventures d’un jeune officier de police désinvolte et dragouilleur, enfreignant la loi autant qu’il la protège. Tout aussi intrépide, le héros de Mighty Boy est un acteur (raté) de sentai, dont le rôle de justicier lui est un peu trop monté au casque. Enfin, Nasa nous emmène vers la conquête spatiale avec une petite bande d’adultes désabusés voulant créer leur propre fusée pour faire un vol en orbite. Pour le reste, la diversité des humeurs, des époques et des lieux dépeints par le mangaka nous invite à découvrir une pléthore de protagonistes, livrant un peu d’eux-mêmes le temps de quelques feuilles.

Le lecteur adepte d’Urasawa ne peut avoir qu’un regard attendri sur ces essais, témoignages des tâtonnements de l’auteur dans le genre du divertissement pour jeunes adultes. Parfois, au détour d’une histoire, on retrouve quelques pistes chères à l’auteur, quelques éléments rappelant ses titres phares, comme une sorte de clin d’œil rétroactif. Son penchant pour l’action et les séquences de gunfight n’est guère éloigné de l’esprit de Pineapple Army, son premier succès. Ses petits malfrats aux ambitions modestes rappellent les yakuzas d’Happy. Avec sa cohabition difficile entre humains et robots, Return pourrait très bien figurer comme préquelle de Pluto. Enfin, le costume explicite d’Au revoir Mr Bunny rappellera une des meilleures époques de Kenji, héros de 20th Century Boys. Tant d’autres moments nous ramèneront à notre connaissance de son œuvre sans le vouloir…

Pour autant, le jeune Urasawa nous surprend par quelques pistes qu’il aura mis de côté dans le reste de sa carrière. Comme son nom l’indique, Magie nous transporte dans un univers ésotérique. A la manière des mystères de Taisho de Kei Toumé, l’auteur nous entraîne dans cette époque d’entre deux guerres le temps d’une enquête. Mais surtout, nous sommes surpris par son penchant pour l’humour, avec des saynètes burlesques ou tirant sur un humour absurde très inattendu. La joie de vivre des nombreux personnages est communicative et nous emporte dans un climat de sourire permanent. Et c’est à instant qu’éclatent les figures de styles chères à l’auteur : ses enfants plus malins qu’on ne le croit, ses petits vieux qui n’ont plus rien à prouver, et des adultes dépassés par les évènements, véritables héros malgré eux. Tout comme eux, le lecteur s’étonne, appréhende l’univers dépeint par ces quelques planches, avant de passer à une autre aventure juste au moment ou la surprise s’estompe.

Pour autant, si l’on s’amuse à déceler les marques d’un futur grand nom du manga, d’autres aspects sont encore bien absents : en particulier, sa légendaire maîtrise du suspens ne peut s’exprimer dans des formats aussi brefs. Ainsi, la plupart des nouvelles, auto-conclusives, manquent d’un impact au moment de leur chute. Certaines seront oubliées aussi vite qu’elles ont été lues, et il faudra sans doute temporiser la lecture de l’épais recueil pour ne pas s’assommer entre toutes ces nouvelles. De plus, si l’adepte d’Urasawa trouvera un intérêt certain dans cette compilation, qu’en est-il des néophytes ? Sorties de leur vocation de témoignages de débuts d’un maître du genre, ces histoires restent également des travaux de débutant, avec les maladresses que cela peut impliquer dans la mise en scène et dans la finalité. L’ouvrage se limite donc à un lectorat de connaisseurs, à l’instar des autres livres sortis dans la collection Sensei le même jour.

L’analyse graphique de cette compilation est tout aussi intéressant, puisque, hormis pour les rares possesseurs de l’unique volume de Pineapple Army, on découvre chez Urasawa un dessin bien éloigné du style qu’il n’adoptera qu’à partir de Master Keaton. Le jeune Naoki est encore dans l’influence de son maître qu’est Osamu Tezuka, notamment dans sa narration. Son trait se rapproche des carcans de l’époque et surtout d’un de ces contemporains majeurs, Katsuhiro Otomo, sans que l’on puisse pour autant le soupçonner de plagiat. Des histoires les plus anciennes, maladroites, aux plus récentes, abouties, la patte Urasawa finit par s’établir et s’équilibrer. On y retrouve déjà des visages expressifs, mais moins réalistes, et une peinture des décors urbains déjà très respectable.

Du côté de l’édition, Kana nous délivre un volume à peine plus grand que le format Big réservé aux seinens, mais autrement plus épais avec ses 576 pages. Hélas, à 15 euros, on aurait apprécié un meilleur travail sur le support, car quelques problèmes d’encrage sont à déplorer. En contrepartie, nous pouvons nous consoler avec l’interview d’Urasawa conservée en fin d’ouvrage, ainsi que par une préface inédite de Karyn Poupée, offrant une analyse intéressante pour mieux entrer en matière. Profitons de cette initiative trop rare à l’heure actuelle…

En définitive, ce recueil des Histoires courtes de Naoki Urasawa réussit le paradoxe d’être à la fois dispensable et indispensable. Dispensable, pour ceux qui n’auraient jamais ouvert un manga de l’auteur, et qui seraient mal inspiré de commencer par ce one-shot qui regroupe des travaux imparfaits, inachevés et sans grande ambition. Indispensable, pour tous les lecteurs d’Urasawa qui trouveront leur bonheur dans la recherche des indices démasquant le talent latent du mangaka, et qui lui découvriront des facettes inédites, joyeuses, un brin naïves. Ce retour aux sources complète l’édifice culturel du lecteur en finissant par les bases, et il ne nous restera qu’à nous tourner à nouveau vers un avenir tout aussi réjouissant. Reculer pour mieux sauter, en quelque sorte…
#26598 par Raimaru
27 oct. 2011, 19:51
Superbe critique. Je viens de réaliser que depuis le Happy-huit-gate, je n'ai pas ouvert un Urasawa depuis la sortie du tome 7 d'Happy (j'ai même pas encore relu le dernier tome de Monster en intégrale). Du coup, je pense que je vais complètement retomber dans ma fan-attitude avec ça. Urasawa est bien le seul auteur que j'ai exploré quasi-à fond, en décortiquant tout ce qu'il fait. J'ai l'impression que je vais bien m'amuser avec ce recueil destiné aux fans =)
#26599 par 14thgunner
27 oct. 2011, 21:11
Eh bien moi j'ai kiffé. J'ai même kiffé à donf!

J'aime bien les histoires courtes. C'est un exercice difficile, mais bien maîtrisé il en sort des choses superbes. Et si toutes les histoires que l'on trouve dans ce recueil ne sont pas d'un niveau égal, Urasawa nous étonne à chaque fois par son choix du sujet et de l'angle. Et franchement, il y a des perles dans ce bouquin!

On sait qu'Urasawa est un adepte de l'anti-héros. Et dans ce domaine, on peut dire que les héros du recueil sont tous atypiques! Personnellement, je donnerai une petite mention spéciale à la vieille dame d'Old Western mama et au bureaucrate de Crash Dance!

D'ailleurs, ces récits très courts, basés sur un seul personnage très particulier, n'est-ce pas, au-delà même du suspens, le vrai talent d'Urasawa? La richesse des personnages secondaires de Monster est pour moi ce qui fait la qualité de l'histoire, et on retrouve ici son talent: arriver à faire aimer au lecteur un personnage en un chapitre d'une vingtaine de page!!

Ce recueil pour moi est extrêmement bon. On y trouve de l'humour, de l'absurde, mais aussi du rêve, des sentiments de l'amour ou de la nostalgie. Et chaque fois, ça sonne juste. C'est original et ça touche le lecteur.

Si l'on imagine une histoire plus large, tous les héros de ces petites histoires pourraient tout à fait prendre part en tant que personnages secondaires. Tout comme dans Monster. On peut se poser la question: Urasawa a-t-il vraiment arrêté de faire des histoires courtes? Ou les insère-t-il simplement dans un récit plus large?
#26827 par Drucci
19 nov. 2011, 13:52
Je croyais avoir réagi à ton dernier message après l'avoir lu 14th mais je me rends compte que c'est pas le cas (Alzheimer très précoce? :o ).

Bref, du coup je réagis en retard mais je tenais juste à dire que ta conclusion :
On peut se poser la question: Urasawa a-t-il vraiment arrêté de faire des histoires courtes? Ou les insère-t-il simplement dans un récit plus large?
était vraiment très juste et bien observée! :merci:

Cette question se pose vraiment pour les thrillers d'Urasawa, surtout pour Monster!
#27151 par memorisateur
02 déc. 2011, 16:49
Je l'ai entre les mains et je le dévore, je viens de finir l'histoire du voleur en costume de lapin. 8-)
Je rejoins vos avis général,les histoires son poignantes et représentent bien son style de narration, c'est incroyable de voir avec quel diversité il enchainait les histoires.
#27266 par Raimaru
09 déc. 2011, 23:10
Je l'ai fini il y a quelques jours, et c'est vraiment excellent quand on est fan d'Urasawa, je dirais même la pièce maitresse pour analyser sa bibliographie comme on l'a fait jusqu'à présent. Merci à Kana de nous l'avoir proposé, on ne l'attendais pas et quand je l'ai lu, à titre personnel, ça aurait vraiment été un manque s'il n'était pas sorti.

Ce qui est paradoxal, c'est que j'ai l'impression que les grosses séries d'Urasawa puisent leur base directement de ces histoires courtes sans pour autant qu'il ait fini de puiser dedans, mais pourtant, certaines de ces histoires sont particulièrement inabouties.

Je note principalement Dancing Policeman dont le héros me rappelle beaucoup Kenji et le travail pressé qui est Yoshitsune. L'histoire Return, qui m'a remué par sa narration simple et sa fin dramatique, fait largement penser à Pluto. Je pense d'ailleurs que Pluto a pour bases Astro Boy et cette histoire.
#32384 par Arale
17 mai 2013, 17:47
Si je ne dis pas de conneries, Jigoro! est un One Shot (histoire complète en 1tome) et non une histoire courte (histoire complète en 1chapitre). Du coup c'est normal qu'il ne soit pas dans le Recueil d'histoires courtes d'Urasawa.

D'ailleurs vu comment les éditeurs hésitent à sortir Yawara!, les chances d'avoir Jigoro! en France sont proches de 0 :inno:
#32386 par Drucci
17 mai 2013, 19:06
Si je ne dis pas de conneries, Jigoro! est un One Shot (histoire complète en 1tome) et non une histoire courte (histoire complète en 1chapitre). Du coup c'est normal qu'il ne soit pas dans le Recueil d'histoires courtes d'Urasawa.
Jigoro! est un one-shot dans le sens où c'est un volume unique mais il s'agit en fait d'un recueil d'histoires courtes mettant en scène le personnage dans sa jeunesse! Il y a aussi (de mémoire) une ou deux histoires courtes sans rapport avec Jigoro.

Les Histoires Courtes compilent les oeuvres de jeunesse d'Urasawa donc les chapitres de Jigoro! ne rentrent pas dans cette catégorie vu qu'ils ont été créés après le succès de Yawara!, lui-même postérieur aux histoires courtes des débuts d'Urasawa!
#32387 par Arale
17 mai 2013, 19:27
Jigoro! est un one-shot dans le sens où c'est un volume unique mais il s'agit en fait d'un recueil d'histoires courtes mettant en scène le personnage dans sa jeunesse! Il y a aussi (de mémoire) une ou deux histoires courtes sans rapport avec Jigoro.
Ah ok, merci :merci:
En fait je me suis basé sur les infos du dossier de Typhoon mais il ne me semble pas avoir vu qu'il y avait des histoires sans Jigoro!.
T'as lu le bouquin?
#32388 par Valdi
17 mai 2013, 19:40
J'ai des scans fr (même site que pour Yawara) mais je sais pas si y a l'intégralité.
Je me rappelle plus trop du contenu, mais je crois me souvenir que c'était marrant. :D
#32389 par Drucci
17 mai 2013, 19:49
Jigoro! est un one-shot dans le sens où c'est un volume unique mais il s'agit en fait d'un recueil d'histoires courtes mettant en scène le personnage dans sa jeunesse! Il y a aussi (de mémoire) une ou deux histoires courtes sans rapport avec Jigoro.
Ah ok, merci :merci:
En fait je me suis basé sur les infos du dossier de Typhoon mais il ne me semble pas avoir vu qu'il y avait des histoires sans Jigoro!.
T'as lu le bouquin?
Je l'ai feuilleté seulement vu que je parle pas japonais, j'y jetterai un oeil ce week-end pour vérifier que je me trompe pas!

Valdi > ça avait l'air clairement comique effectivement!
#32414 par Simulacra
19 mai 2013, 15:45
Je veux surtout une parution papier fr :-(

Mais comme dis dans un autre topic, jveux bien les 3 premiers chapitres en mp, histoire de me donner une idée :D
#32419 par Simulacra
19 mai 2013, 21:11
Le scan, c'est mal ! Le papier, c'est bien !

Mais personne qui publie Yawara ! en France, c'est un crime :dead:

On fait une pétition pour Panini ? :o Leur explication de la dernière fois ne m'a pas convaincu :o

(Oui, on est HS, Drucci et Wang, faut ptet déplacer ce morceau de conversation vers la bonne partie non ? :D)
#32420 par Valdi
19 mai 2013, 21:38
Et mollo sur l'incitation aux scans Valdi, on est pas ici pour ça ;)
J'ai rarement quelque chose d'assez intéressant pour être partagé, donc quand c'est le cas, je peux effectivement être un peu insistant. ^^'