Naoki Urasawa le reconnaît : 20th Century Boys est « autobiographique à 10% ». Mais quels sont les passages inspirés du vécu de l’auteur?
Kenji est considéré par de nombreux lecteurs comme l’avatar fictif de Naoki Urasawa : les deux hommes partagent en effet de nombreux points communs. Le mangaka nuance toutefois :
Il y a un certain nombre de scènes qui décrivent des événements que j’ai réellement vécus […] mais pas de là à dire que Kenji c’est moi! […] En termes de sentiments, c’est peut-être le personnage le plus éloigné de moi.
Kenji et Urasawa, deux musiciens ratés
Le héros de 20th Century Boys partage surtout la passion de l’auteur pour le rock. L’intrusion de Kenji dans la salle radio du collège pour y diffuser le morceau de T-Rex retranscrit par exemple un fait d’armes du jeune Urasawa.
L’auteur s’autorise cependant quelques libertés : il n’avait pas bâillonné l’animatrice, préférant demander – avec ses camarades – la permission de diffuser le morceau… Le résultat de son expérience reste cependant le même que celle de Kenji : 1
Nous sommes retournés dans la salle de classe en nous disant qu’avec un disque comme celui-ci ça allait faire du bruit, mais il n’y a rien eu. On avait beau demander aux autres : « qu’est-ce que tu en as pensé ? », ils répondaient : « de quoi ? ». Alors je me suis dit : « Personne n’a écouté, c’est comme ça… ».
Une déception retranscrite dans 20th Century Boys : « On pensait que quelque chose allait changer… Et finalement rien n’a changé. »
Au collège, Kenji commet par ailleurs la même erreur que Naoki Urasawa en achetant une guitare classique à la place d’un modèle électrique.
La passion musicale des deux hommes s’accroît au fil du temps : Urasawa, qui a rejoint un groupe de rock, débute ses performances live dès sa première année de lycée tandis que Kenji finit par se lancer pleinement dans la musique. L’inspiration autobiographique devient même physique…
Les Flying Spiders, un groupe inspiré des Street Sliders
L’auteur s’autorise un dernier parallèle avec son héros pour rendre hommage à un groupe de rock qu’il admirait à l’université, The Street Sliders.
Ainsi, lorsque Kenji sèche un cours d’économie – la filière dans laquelle Urasawa s’inscrit en 1979 – et tente maladroitement d’intégrer le groupe des Flying Spiders, le mangaka retranscrit en fait son admiration de l’époque pour Hiroaki Murakoshi, alias « Harry », le leader des Street Sliders :
« Dès qu’ils jouaient, l’air changeait complètement. En les voyant, j’étais sûr qu’ils allaient réussir!» 2
Une conviction prophétique puisque le groupe a connu un certain succès dans les années 1980… à l’instar de Spider, qui remplit les 20 0000 places du Bûdokan quelques années après sa discussion avec Kenji.
« Je comprends mieux ce que ressent Otcho »
Urasawa l’affirme :
En termes de sentiments, Kenji est peut-être le personnage le plus éloigné de moi. Vous savez, Kenji est très direct. Moi, comparé à lui, je suis plus tordu (rires). […] Personnellement, je comprends mieux ce que ressent Otcho. Je peux aussi d’un certain côté comprendre ce que ressentent Yoshitsune et Ami.
Plusieurs souvenirs d’enfance de la bande de héros découlent ainsi directement du vécu de l’auteur, comme l’éternelle course à pied de Donkey, inspirée de la propre expérience d’Urasawa : « Je n’avais pas de vélo alors j’étais toujours le seul à courir. […]
Comme je venais toujours sans vélo, tous [mes amis] ont fini par laisser leur vélo et on a fini par se dire : « Allons tous courir jusqu’à la rivière Tama! » »
Dans 20th Century Boys, le mangaka retranscrit même cette anecdote spécifique pour en faire le fondement du rapprochement entre Donkey et Kenji, sauvé de la noyade par son camarade. La bande arrête elle aussi de se déplacer en vélo après s’être liée d’amitié avec Donkey.
Des frustrations d’enfance exorcisées?
La vieille tenancière de l’épicerie de quartier est quant à elle probablement inspirée d’une libraire particulièrement stricte de Fuchu, la ville où a grandi l’auteur. Urasawa en garde en tout cas un souvenir marquant :
Toutes les librairies de Fuchu étaient strictes (rires). La grand-mère qui tenait la librairie Fuchū shobō était vraiment célèbre pour cela. Dès qu’on prenait un livre dans la main, elle arrivait avec son plumeau, si bien qu’on ne pouvait choisir tranquillement (rires).
L’auteur fait même apparaître directement la libraire en question pendant les années universitaires de Kenji, qu’elle empêche de lire dans sa boutique…
La frustration de Fukube, lorsque Kenji fait tomber l’un de ses mangas dans le caniveau de l’école, reproduit pour sa part un traumatisme d’époque :
Dès qu’on m’a acheté [les premiers volumes de Yûyake Banchô], un ami m’a demandé de les lui prêter. À cette époque, c’était la mode d’amener ses mangas en classe. Alors, un garçon m’a dit : « Eh ! c’est Yûyake Banchô ! je voudrais les lire, tu me les prêtes ? » et moi, en fait, je ne voulais pas, mais j’ai répondu : « Si tu veux » (rires).
Quand je lui ai demandé ce qu’il avait fait de mes cinq livres, j’ai appris qu’ils étaient tombés dans le caniveau qui passait sous la fenêtre : « Excuse-moi, je suis désolé, mais je les avais posés là et ils sont tombés » (rires).
Une excuse reprise mot pour mot par Kenji dans 20th Century Boys!
Enfin, la déception de Kenji lorsqu’il apprend qu’il ne pourra pas aller à l’exposition universelle d’Osaka à cause de la « radinerie » de son père fait écho à celle d’Urasawa… qui regrette encore aujourd’hui de ne pas avoir pu la visiter : « L’atmosphère était telle que celui qui n’y allait pas n’était pas un homme. Comment expliquer à quel point c’était quelque chose de formidable aux gens d’aujourd’hui, aux gens qui n‘ont pas connu cette situation? C’est difficile. »
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