Batman and Son
J'ai enfin commencé le run de Grant Morisson sur la série Batman. Un run commencé en 2006 avec le numéro 655 de la série.
Et j'ai tout de suite compris pourquoi certains avaient été déstabilisés par ce run. Car même en commençant à connaitre un peu les mécanismes de Morrison, faut avouer que c'est très vite difficile à suivre.
Alors ça commence par une image de Batman en sang, qui sort un flingue et envoie une bastos dans la tête du Joker.
WTF?!
Ouais, mais sauf que c'est pas le vrai Batman en fait, juste un imposteur. On assiste ainsi à la première phase de la déconstruction du personnage. Le Bat' qui serait assez vénère pour headshoter son ennemi en pleine face, Morrison n'en veut pas.
La deuxième phase de sa déconstruction va commencer à apparaitre dès les pages suivantes. On apprend que Batman a capturé tous les gros méchants de Gotham, Alfred lui propose donc de prendre un peu de vacances. Ce qui va permettre à Morrison de réhabiliter Bruce Wayne. Le milliardaire n'était plus qu'une couverture depuis facilement deux décennies, sa personnalité semblait même totalement détruite face aux psychose de la chauve-souris, l'arc de Morrison va apparemment le remettre face à l’œil du lecteur pour qu'on sache un peu plus qui est Bruce Wayne.
L'histoire enchaine avec des hommes chauves-souris ninjas (best idea ever !), une scène de combat très métatextuelle et Batman apprenant qu'il a un fils, dont la mère biologique est le fille de Ra's Al Ghul (un autre de ses ennemis jurés) !
Damian (puisque c'est son nom) a donc été élevé dans une secte du tueurs, mais sa mère l'envoie vivre avec Bruce, ce qui se passe très mal, Damian tabassant Alfred, puis Robin, et décapitant un méchant eu lieu de le livrer à la police. Puis il finit par disparaitre provisoirement (ainsi que sa mère) après une violente explosion. Pour être franc, j'ai trouvé tout le passage avec Damian très bordélique, je suis pas encore certain de voir où ça veut nous amener à part la question de l'héritage et du passage de flambeau (on en reparlera pour le dernier épisode du bouquin). En tout cas, c'était bizarre à lire.
Le numéro suivant du TPB (le 663) est écrit en prose. C'est donc une nouvelle avec quelques illustrations autour. Déjà, forcément, ça déphase. En plus de ça l'écriture en prose de Morrison, c'est un peu bordélique, avec des tonnes d'images et de comparaisons dans tous les sens. Bref, ce numéro s'intéresse à la déconstruction/reconstruction du Joker. Morrison avait déjà (dans Arkham Asylum) élaboré le concept comme quoi le Joker serait à un stade de conscience plus avancé que les être humains, et qu'il n'aurait pas de personnalité mais plutôt une superpersonnalité pouvant s'adapter à toute situation. Il va encore plus loin ici en décrivant le Joker vivant un phénomène de renaissance où son ancienne personnalité est détruite et une nouvelle voit le jour. Morrison fait ici un nouveau clin d’œil au fait que la personnalité du Joker (et par extension, de Batman et de tous les persos de comic-book) changent en fonction du scénariste.
L'histoire d'après est titrée "Three Ghosts of Batman". Cela fait évidemment référence à Dickens, il faut donc prendre ces fantômes comme le passé, le présent, et le futur de Batman. Le premier fantôme on l'a en fait vu dans la première case du bouquin, c'était le faux Batman (un flic déguisé apparemment) avec un flingue. Ce serait donc la représentation du passé. Du Batman prêt à tout, qui n'a plus de code (car le Bat' déteste les armes à feux normalement). Le second "fantôme" apparait dans cet épisode, c'est un mélange grotesque entre Batman (pour les fringues) et Bane (pour le physique). S'il représente le présent, ce serait donc le Batman existant juste avant que Morrison ne le reprenne, représentation de la violence. On retrouve dans cet épisode une atmosphère très proche de Miller, avec un violeur, des prostituées, une ambiance poisseuse, un Bat qui gerbe du sang. Le fameux présent est donc Millerien.
Le dernier numéro de ce recueil est le 666. Morrison n'y va pas à le dos de la cuillère, et nous balance donc des symboles apocalyptiques et bibliques dans tous les sens, il exagère consciemment. Le pitch de ce numéro est encore une fois assez déstabilisant. On est dans le futur, Bruce est mort, et Damian porte le costume de Batman. Il rencontre le troisième fantôme, qui est une sorte d'antéchrist (Damian contre un antéchrist ? oui, oui) vêtu façon Batman, et dont on ne saura jamais vraiment les origines pour l'instant (comme pour les autres fantômes en fait). Même la mort de Bat' et Damian reprenant le flambeau est amené sans explication. Le futur de Batman semble donc entouré par le mysticisme (chose très peu utilisée dans l'univers de Gotham depuis les années 70), et encore plus simplement, le mystère.
Pour un départ de run, c'est déjà incroyablement chargé, et cela me fait penser que si question rythme et exposition on est très loin de ce que Morrison avait fait avec Animal Man, les pistes qui sont lancées semblent pourtant mener vers le même genre de déconstruction du personnage. On verra bien par la suite.